Lettre ouverte aux élus
sur l’incompatibilité du site du bois de Lacaud avec un projet de
CET
Mesdames ou Messieurs les Maires, Chers Collègues,
Le Conseil Général de Charente élabore actuellement son Plan
Départemental d’Elimination des Déchets Ménagers et Assimilés.
Dans ce cadre, nous souhaitons attirer votre attention sur le projet de
Centre de Stockage de Déchets Ménagers et Assimilés Ultimes, proposé
par APROVAL 16 au lieu dit LE-BOIS-DE-LACAUD à Ansac- Sur- Vienne et
sur les risques que ce projet fait courir durablement à l’environnement
et aux ressources en eau du Département.
Contrairement à ce qu’explique l’Administration Préfectorale, nous
estimons en effet que le site retenu par APROVAL est
parfaitement incompatible avec un tel projet.
Ce site, situé sur un point haut du bassin de la Charente, sert de
réservoir naturel en eau avec ruissellement abondant de multiples
sources qui alimentent des ruisseaux, affluents de la Charente, moins
de 5kms plus bas.
En pied de la future exploitation, il y a une zone humide marécageuse
où la nappe phréatique est quasiment en émergence. Certains sondages,
réalisés au cours de l’étude géologique, ont d’ailleurs provoqué des
phénomènes de résurgence (puits artésiens) et ils ont du être rebouchés
précipitamment.
Pour tenter d’assurer la faisabilité technique de cette implantation
industrielle dans ce milieu saturé d’humidité et constamment
réalimenté, APROVAL, l’Administration et les Experts privés choisis par
eux ont suggéré des mesures compensatoires.
Les mesures proposées ont soulevé lors de l’enquête publique, de
nombreuses questions et remarques dont aucune n’a trouvé de réponse à
ce jour:
L’interférence entre l’exploitation et la nappe phréatique a été
sous-estimée :
Le dossier technique soumis à enquête permet de constater que le niveau
bas des casiers de stockage des déchets se situerait en dessus du toit
de la nappe phréatique (environ 2 à 4 mètres par endroit).
L’impact du rabaissement durable de la nappe avec les émergences du
Bois de Lacaud n’a pas été analysé :
Voici un extrait sans commentaire du dossier d’analyse des impacts
soumis à l’enquête:
« La question de la pérennité des émergences du Bois de Lacaud est
posée. En l’état des connaissances, rien ne permet de quantifier
l’impact du projet sur ces sources, dont la pérennité n’est pas connue,
aucune observation poussée n’ayant été réalisée à ce jour, notamment en
période d’étiage hydrogéologique ».
La compatibilité du dossier avec le schéma directeur d’aménagement et
de gestion des eaux n’a pas été vérifiée:
L’installation projetée aura pour effet de créer une surface
imperméabilisée de 15 ha environ. Cette installation devrait donc être
soumise à autorisation au titre de la loi sur l’eau. Le dossier
administratif soumis à enquête ne fait aucune mention des dispositions
législatives et réglementaires applicables en application des articles
concernés du Code de l’Environnement (règles de coordination des
polices administratives, schéma directeur d’aménagement et de gestion
des eaux…).
La présence des fractures relevées par les sondages sur le site a été
ignorée par les experts:
L’expert a considéré ce phénomène de fractures comme négligeable et
l’hydrogéologue a mené l’intégralité de ses calculs théoriques
d’écoulements souterrains sans aucune référence au problème des
fractures observées sur le site. Cette anomalie n’a pas été relevée
malgré les nombreuses réunions entre APROVAL, les experts et
l’Administration.
L’efficacité des mesures de drainage n’est pas prouvée:
Compte tenu des vitesses théoriques des écoulements souterrains, le
drainage proposé pour rabattre la nappe phréatique, ne serait efficace,
d’après l’hydrogéologue, qu’au bout d’un temps indéterminé estimé entre
1 et 3 ans….L’hydrogéologue recommande, par ailleurs, après mise en
place de ce drainage, d’en vérifier son efficacité par des mesures
complémentaires, les mesures proposées pour ce drainage ne reposant en
effet que sur des considérations théoriques.
Cette vérification au bout de 1 à 3 ans …avant poursuite des
aménagements, est incompatible avec le phasage proposé dans le dossier
pour l’exploitation.
La stabilité des digues n’est pas validée:
L’expert, dans son rapport du 18 août 2004, a relevé: « D’autres
problèmes tels que la stabilité géotechnique des digues…restent en
l’état- dans l’attente de faisabilité. »
Nous notons, d’ailleurs que les matériaux de déblai trouvés sur le site
posent problème: les arènes granitiques nécessitent des précautions
d’emploi en fonction des conditions climatiques (changement brutal de
consistance; effet de matelassage et faible portance en état
humide)…
L’étanchéité à très long terme (plus de 40 ans) des casiers n’est pas
validée:
Le fond des casiers baignera dans la partie saturée en eau (3
mètres environ). Les experts proposent donc la réalisation d’une couche
d’étanchéité au fonds de ces casiers. Il n’existe à ce jour
aucune étude spécifique sur l’évolution de cette couche d’étanchéité au
cours des décennies qui suivront la fin d’exploitation.
A ces remarques, sont ajoutées de très nombreuses remarques sur les
incohérences du dossier :
- Le bilan de matières
présenté dans le dossier est faux (100.000 m3
de matériaux manquant après 17 ans d’exploitation).
- Le phasage des travaux n’est
pas cohérent avec les mesures compensatoires proposées.
- La configuration du site et
l’empilement des casiers en résultant, rendent impossible une
récupération efficace des biogaz.
- Le profil des digues décrit
dans les textes du dossier n’est pas celui représenté sur les
schémas.
- Les notes de calcul du
géologue datent d’avril 2002, soit un an avant le prélèvement des
échantillons !
Nous pensons donc que, contrairement à ce qu’explique l’Administration,
le dossier d’APROVAL, n’est pas bon et que ce projet n’est
pas compatible avec une maîtrise durable des risques environnementaux.
L’enquête publique a recueilli plusieurs milliers de lettres de
protestation des habitants des communes du Confolentais et les avis
négatifs des conseils municipaux d’Ansac sur Vienne, d’Alloue, de
Confolens et d’Ambernac.
Le Commissaire Enquêteur s’est contenté de répertorier ces avis
négatifs et ces remarques techniques, s’est déclaré incompétent pour en
juger et a seulement évoqué le problème administratif du POS.
Lors des débats du Comité d’Hygiène Départemental, la question des
risques de pollution à long terme des eaux souterraines et de surface
que soulève le projet, n’a pas été abordée. Le délibéré qui n’a duré
que quelques minutes, n’a aucunement évoqué les risques
environnementaux.
Notre commune avait pris un Plan d’Occupation des Sols qui
interdit toute activité industrielle dans ce secteur précisément parce
qu’elle estimait précisément que l’environnement ne s’y prêtait
pas !
Le département de la Charente manque d’eau ! Un programme
d’économie et de sauvegarde durable de la ressource en eau a été lancé
et à l’heure où se discute le Plan Départemental d’Elimination des
Déchets Ménagers et Assimilés, il nous paraissait ici tout à fait
fondamental d’attirer votre attention sur le projet APROVAL et sur les
dangers qu’il fait courir à cette précieuse ressource au Bois de
Lacaud.
Ansac-sur-Vienne est limitrophe de Roumazières - Loubert qui vit
les conséquences redoutables et durables de
l’instruction bâclée par l’Administration d’un mauvais dossier
technique (Décharge de l’Affit). Nous ne
voulons pas porter sur le territoire de notre commune une nouvelle
« décharge de l’Affit ».
La Charente Limousine, a déjà pris sa part dans le passif durable de
pollution que le Département laissera à ses enfants et petits
enfants.
Nous vous prions d’agréer, Mesdames , Messieurs les Maires,
l’expression de mes sentiments distingués
Jean Michel FROIN
Maire d’ Ansac-sur-Vienne (16/02/2006)